Lettre ouverte de paysan.nes attéré.es
À
Madame la Présidente de la région Occitanie Carole Delga,
Monsieur le Ministre délégué aux transports Clément Beaune,
Monsieur le Ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire Marc Fesneau,
En Occitanie, nous agissons pour une agriculture durable et rentable, gage de notre souveraineté alimentaire
Madame, Messieurs,
Nous, agriculteurs et agricultrices du Lauragais, nous ne comprenons plus vos politiques et nous sommes très inquiet.es.
D’un côté vous portez des politiques novatrices et volontaristes en faveur de l’agriculture biologique, qui permettent d’accélérer la transition vers une agriculture durable, autonome, garantissant la souveraineté alimentaire.
Grace aux nombreuses aides nous pouvons nous installer, investir, et pérenniser nos fermes :
- Des aides régions : Dotation Nouvel Agriculteur, aide aux investissements, PASS Expertise BIO, et bien d’autres aides et appels à projet
- Des aides nationales : Dotation Jeune Agriculteur, aides à la conversion et au soutien à l’agriculture biologique
- Des aides départementales : aides à l’investissement
ET CA MARCHE ! L’Occitanie est la Première région en agriculture biologique de France. En consacrant les 134M €¹ du plan « Produire, Consommer, Vivre Bio en Occitanie », la Région fait de l’agriculture biologique un vrai levier de développement de son territoire. Et d’un autre côté, Etat, Région Occitanie, Départements du Tarn et de la Haute-Garonne portent avec l’autoroute A69 un aménagement qui va détruire de nombreuses exploitations, les mêmes que vous encouragez pourtant via des aides financières !
Nous ne comprenons pas.
Nous, agricultrices et agriculteurs du Tarn et de la Haute-Garonne, nous sommes inquiet.es et en colère. Ce projet agricide s’accompagne de lourdes conséquences pour les exploitations situées sur le tracé ou à proximité :
- Disparition de 400 ha de terres agricoles (conventionnels et biologiques)
- Expropriations des agricultrices et agriculteurs réduisant la surface de leurs exploitations sans compensation pour la baisse d’activités
- Des terres agricoles coincées entre l’A69 et la RN126 ou traversées par l’A69 sans accès direct entre les champs
Et pour couronner le tout, deux centrales d’enrobé à chaud de bitume à Villeneuve-lès-Lavaur et à Puylaurens. Construites pour fournir le revêtement de l’autoroute, elles resteront au moins pendant 18 mois, sachant que rien ne nous garantit qu’elles ne resteront pas plus longtemps.
De telles centrales émettent des particules nocives pour la santé humaine² et animale (cancérigènes, troubles respiratoires…), mais aussi toxiques pour l’environnement³. Les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) en font partie. Ils sont responsables de :
- Pollution aérienne déposée sur nos cultures et empoisonnant nos animaux d’élevage (bioaccumulation dans les graisses)
- Pollution des sols car fixées aux matières organiques et peu biodégradables
- Pollution de l’eau car fixées aux sédiments en suspension dans l’eau
Que vont devenir nos productions si elles sont contaminées par ces polluants dangereux ? Pourrons-nous seulement les commercialiser demain ? Allons-nous pouvoir garder notre label bio ?
Nous sommes très inquiet.es des conséquences sur notre santé, sur la santé des consommateurs, et de l’impact à long terme des rejets de telles installations sur le sol, l’eau et nos productions. Vous ne pouvez pas nous demander de produire avec passion des aliments de qualité, respectueux de l’environnement et dans le même temps détruire nos outils de production.
Dans les 10 km entourant lesdites usines, 500 exploitations agricoles⁴ ont été comptabilisées et sont susceptibles d’être impactées par ces pollutions. Dans un monde où les exploitations agricoles subissent de plein fouet les catastrophes naturelles et aléas climatiques, il est suicidaire de les exposer à de tels risques !
Madame la Présidente de Région, Messieurs les Ministres, les nombreuses centrales à bitume du territoire ont bien des fois montré qu’elles étaient peu fiables en matière de contrôle, et souvent responsables de pollutions irréversibles⁵. Vous comprendrez que nous ne pouvons confier le destin de nos moyens de production et de subsistance au bon vouloir et au sérieux d’entreprises privées qui seront seules garantes de la qualité des rejets. Les nombreuses irrégularités et dysfonctionnements dans de multiples usines ne peuvent que nous inspirer de la défiance face au système des autocontrôles en vigueur.
Nous produisons sur nos exploitations des denrées alimentaires, aussi la question de l’impact de ces usines à proximité est-elle grave. Ce n’est pas uniquement nos entreprises que nous défendons mais bien la santé des consommateurs de nos produits.
Une autre issue est encore possible, prenons le temps d’y réfléchir, de façon concertée. Nous exigeons des pouvoirs publics la garantie que nos outils de travail ne seront pas dégradés, pollués. Nous vous demandons de mettre en place une surveillance stricte permettant de garantir que les centrales respectent constamment les normes sur les émissions. D’autre part, il nous parait indispensable, afin de pouvoir contrôler et suivre l’état de nos moyens de production, que les pouvoirs publics financent des campagnes d’analyses du sol, de l’air et de l’eau avant, pendant et après l’implantation de ces centrales.
Pouvez-vous vous engager publiquement et nous garantir que nos légumes, nos fruits, nos élevages, nos céréales, nos champs, nos rivières et nos puits ne seront pas contaminés par ces usines à bitume et que nous pourrons vivre de nos productions, les manger, les vendre sur nos marchés et fournir les cantines des écoles, des collèges, des lycées de nos enfants ?
Écoutez l’inquiétude de celles et ceux qui nourrissent l’Occitanie. Nous avons besoins de projets de territoires novateurs qui respectent notre travail et nos terres.
Pour signer cette lettre, envoyez votre NOM/PRENOM/COMMUNE/TYPE D’EXPLOITATION à sansbitume@tutanota.com ou au 06 78 86 27 34
1 https://www.laregion.fr/Nouveau-Plan-Bi-O-l-Occitanie-garde-lecap? fbclid=IwAR1B5WrYgf1iC08dqzgYRvNwoLY6FzqyqkvjD4joCbAMCu_Szi6xGa7Z-Kw
2 https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/hydrocarburesaromatiques- polycycliques-hap/
3 https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/sante/la-pollution-des-sols-ressources/article/la-contamination-dessols- par-les-hydrocarbures-aromatiques-polycycliques-hap
4 https://stats.agriculture.gouv.fr/cartostat/#bbox=592940,6295315,54174,38433&c=indicator&i=stru_2020_1.nbexpl20&i2=otex_2020_1.otefdd20 &selcodgeo=81219&t=A02&t2=A02&view=map15
Vous pouvez télécharger la lettre, au format pdf, ici: